mardi 5 octobre 2010

[Chronique DVD] Le Monde sur le fil (Welt Am Draht) de R. W. Fassbinder


Le Monde sur le fil est un téléfilm en deux parties réalisé par Fassbinder en 1973 pour WDR. Adapté d'un roman de Daniel Galouye, Simulacron 3, le téléfilm raconte l'histoire du professeur Stiller, qui reprend la place du Professeur Vollmer à l'Institut de recherche en en cybernétique et futurologie, après la mort soudaine de ce dernier. Celui-ci est mort d'avoir découvert un secret terrifiant en lien avec son métier. En effet, Vollmer était le directeur du projet Simulacron : Une réalité virtuelle composée d'environ 9000 "unités identitaires", de faux êtres humains qui ne savent pas qu'ils sont des "simulacres". Seul l'un d'entre a percé le secret, une unité identitaire qui a découvert l'envers du décor, ce qui le rend très faible, voire mourant. Une très belle idée.

Miroirs
Le Monde sur le fil préfigure une pléthore de films contemporains, et beaucoup lui sont redevables, en premier lieu Matrix qui lui emprunte toute sa structure et thématique, y compris des petits détails comme le fait que pour retourner dans le vrai monde alors qu'il est dans le monde virtuel, le héros utilise un téléphone, ou encore que pour que le système fonctionne, il faut un "élu", ici une unité qui sache la vérité (Einstein contre l'Oracle). Contrairement à l'ingéniosité et à l'innovation technique dont fait preuve Matrix pour dire la superficialité du monde, Fassbinder, lui, avait opté pour des choix très simples, comme l'utilisation réccurente de miroirs, reflets, vitres plus ou moins translucides, où l'original se perd dans son double, au point que le spectateur ne sait plus où se situe le personnage (est-ce son reflet dans le miroir que cadre la caméra, ou bien est-ce lui à travers une vitre ?). Car la caméra elle-même est perdue dans des dédales de miroitements, de retournements et de panoramiques à 360°, comme si elle cherchait.
Les personnages eux sont coupés par les cadres, et les recadrages dans l'image, au point d'être éparpillés, dédoublés, décapités. Les cuts eux-mêmes sont des troubles de l'espace-temps intériorisés dans le film comme des bugs de l'ordinateurs (voir les raccourcis des séquences en voiture).

La course
Le problème du héros du film, Stiller, c'est qu'il semble pris entre les deux mondes: à la fois ici, à la fois là-bas, ou encore finalement nulle part. Il voit dans le monde réel des personnages qui disparaissent d'un coup, et que personne ne semble connaître, personnages qu'il retrouve plus tard dans le monde virtuel. L'un contamine l'autre (ce que disent les miroirs), l'autre contamine l'un. Mais sans doute la vraie différence avec Matrix, c'est qu'au final, rien n'est sûr (qu'est-ce que la réalité?), et puis qu'est-ce que cela change semble nous dire Fasbinder ? Car Stiller est dans sa dépense énergétique dans sa course à la vérité déjà très vivant et très humain, à voir la façon don il court, s'agitte, fume clope sur clope (même si ce sont des idées de cigarettes) et ne tient pas en place.

Le DVD édité par Carlotta est une belle édition, où l'on retrouve le film découpé en deux parties, respectant sa diffusion (la première partie se terminant sur un climax terrifiant digne de La Quatrième dimension). C'est une œuvre assez rare que nous offre l'éditeur, avec en bonus un long documentaire mettant en scène Juliane Lorenz, qui a produit la restauration du film, avec différents protagonistes du film, un livret et une galerie photo.
Disponible en DVD et Blu-Ray le 6 octobre 2010

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