dimanche 27 janvier 2008

Starship Troopers (Paul Verhoeven, 1997) : le sacrifice d'un film

Starship Troopers VerhoevenD’abord, ce film est un film sur la propagande. Entrecoupé de flashes et de pubs TV futuristes qui s’adressent directement aux spectateurs du film (simulant une interactivité issue du net « Voulez-vous en savoir plus ? »), le film dissimule (pas vraiment une parodie, ni une caricature) une critique (1) d’un totalitarisme qui ne s’assume pas, et diffusé à tous les niveaux (médias et éducation scolaire comprise).
La première partie est tournée avec la platitude digne d’un épisode de Beverly Hills. Même type d’acteur (Verhoeven a choisi de jeunes acteurs physiquement stéréotypés à la Ken et Barbie : sourire Colgate, corps parfaitement proportionnés), mêmes intrigues, même milieu aisé (collège WASP alors que l’action se passe à Buenos Aires). On s’enfile les histoires de cœur (rivalité de deux garçons pour la même fille), le fameux match de football américain (évolué) où se règlent les comptes et enfin le bal de fin d’année qui marque aussi la fin de l’innocence (2). Puis tombe le réalisme (gore) de la guerre. L’intello (Carl) devient un Mengele en puissance. Les teenagers, de la chair à canon envoyée au carnage par des feld-maréchals incompétents (voir la démission du sky marchall Dienes). Abrutis par la propagande, ils sont tous interchangeables (quand Rico reprend mot pour mot le discours de son lieutenant mort – M. Ironside) et du coup, aussi indifférenciables que les insectes entre eux (aucune individualité ne transparaît vraiment, ils sont tous d’accord).

Mais le film est aussi un film sur l’humilité. Car au-delà de l’arrogance première des personnages (3), Verhoeven nous montre l’ultime suffisance, à travers la vraie immoralité du film, qui est que ce sont les humains qui gagnent. Leur scénario est parfait : en effet, sans à aucun moment se remettre en question (quand un journaliste émet l’hypothèse que l’on a peut-être dérangé les insectes dans leur habitat, il se fait rembarrer par Rico et les autres), les humains célèbrent la victoire. Sans jamais penser l’Histoire, sans recul (et si ?). C’est l’idéologie. Pas de doute. Jamais. Car le doute est un péché (le « couloir des ratés » est le nom du chemin vers la porte de sortie du camp, chemin que prennent les engagés qui hésitent, reviennent sur leur décision, « ai-je fait le bon choix ? »). Suffisance toujours, car la vraie victoire (celle qui déclenche les hourras de la foule) survient quand le télépathe retranscrit les pensées de la bête capturée : « Elle est effrayée ». Victoire non pas (strictement) militaire (on a pris le roi, échec et mat) mais égotique : le ressenti de l’autre (lui faire peur, en gros lui faire prendre conscience de notre supériorité).
« C’est un moment de l’Histoire. Et ensuite, ils oublieront » dit à Rico son ami télépathe. Car c’est l’histoire des vainqueurs que l’on écrit. Une histoire parfaite, évidente. Pas besoin de la remettre en cause, les aspérités qui pouvaient gêner ont été gommées. Seulement, le spectateur (4) se met, lui, à douter de ne pas vraiment apprécier la victoire des humains (il y a quelque chose qui cloche dans la victoire de mon camp). Là est la subtilité du film, et son humilité : se faire passer pour ce qu’il n’est pas (un film de Michael Bay par exemple). C’est le sacrifice d’un film critique qui se fait passer pour un film simpliste afin de parachever sa critique.

Karim Charredib

1. Incomprise par quelques critiques à sa sortie qui le prirent au premier degré. Sans doute à cause de la forme du film, qui joue au (fait semblant d’être un) film de propagande.
2. Autant que peuvent être innocent ces personnages, présentés comme arrogants et sans pitié : toujours rester au top, culte de la performance (voir les figures de plus en plus acrobatiques qu’exécutent les sportifs : le football devient un sport de super héros).
3. Denise Richard en tête, qui fait passer sa carrière devant son ami, fait jouer la concurrence pour se faire séduire, Carl qui affiche (au sens propre comme au figuré) les résultats médiocres de Rico à l’examen de maths afin de l’humilier.
4. S’il n’est pas fasciste.