mercredi 30 avril 2008

En voie de disparition


À la fin de La Planète des singes, Charlton Heston prend conscience : il est le dernier homme. Son postulat de départ, avoir atterri sur une autre planète où la théorie de l’évolution a pris un autre embranchement, s’écroule à la vue de la Statue de la Liberté en ruine : l’accident qu’a subi son vaisseau spatial ne l’a pas projeté plus loin dans l’espace mais plus loin dans le temps. Il est donc sur Terre, mais dans le futur, et l’espèce humaine, telle qu’il l’a connue, s’est éteinte depuis longtemps. Une autre civilisation a pris le relais. Dernier survivant, et dernière survivance de l’Humanité en la figure imberbe (rasée) d’Heston, anéanti.
Dans ce genre cinématographique, un dérivé du post-nuke, ou post-apocalyptique, le dernier homme (The Last Man on Earth, Le Survivant, Je suis une légende, etc.) est témoin de la chute de sa civilisation, souvent par elle-même. C’est-à-dire qu’elle a engendré sa propre perte (conflit nucléaire, création d’un virus qui échappe à tout contrôle) qui engage, non pas une fin mais, un début, celui d’une nouvelle ère, le point de départ de l’espèce suivante (les singes, les mutants, les vampires, etc.). Bref on fait table rase, et on repart à zéro. Nouvelle donne. Seulement, et c’est ce qui agite souterrainement le récit de Le Survivant (adapté de la nouvelle I Am a Legend, comme The Last Man on Earth et Je suis une légende), il n’y a pas de table rase possible tant qu’il reste une trace de ce qu’il y avait avant, souvenir d’un passé qui n’en est pas encore un puisqu’il est vivant. Tant qu’il y aura un homme, alors l’Humanité existe encore. Et la nouvelle ère ne peut commencer. D’où l’acharnement des mutants à vouloir éradiquer Neville. Il est une ruine, parce qu’il continue d’exister alors qu’il devrait disparaître (il n’y a pas d’avenir pour lui). Il persiste, et contraint l’écosystème, tout comme la nature est empêchée de reprendre ses droits sur un site où des restes architecturaux subsistent (dégradés mais toujours présents physiquement). Pas encore un fantôme. Pas encore une légende. Il est une piqûre de rappel. Désagréable pour ceux qui la subissent.

KC