mardi 31 mars 2009

Les Guerriers de la nuit (The Warriors, Walter Hill, 1979) : Le retour des héros


« Bonne chance, Warriors. Il sera long, le retour à Coney. » 
 La Voix de la radio

Les Guerriers de la nuit racontent le long et difficile périple d’un gang perdu dans New York, les Warriors. Long et difficile car les Warriors sont accusés à tort d’un meurtre, celui d’un leader charismatique, Cyrus [1], qui a provoqué l’impossible : la réunion de tous les gangs afin de les unifier pour conquérir la ville. Ils ont donc tous les gangs – qui souhaitent se venger – à leurs trousses, et doivent traverser New York pour retrouver leur territoire, où ils seront à l’abri du danger. Unité de temps, de lieu et d’action, ce retour prend place durant toute une nuit jusqu’au petit matin salvateur et voit se succéder les épreuves pour le groupe, qu'ils résolvent avec les mêmes atouts qu'Ulysse, ceux de l'Homme : ruse [2] et courage. Walter Hill fait donc ici une très belle adaptation d’un genre de récit antique, celui du nostos, du retour à la maison, dont L’Odyssée d’Homère est le parangon (L’Odyssée raconte la difficulté d’Ulysse à retourner chez lui). À cet effet, il utilise, tout comme Homère, un mode mixte, usant à sa manière de deux modalités narratives, celle d’un style « direct » qui montre l’action (les batailles des Warriors) et celle d’un style « indirect », via une voix, qui raconte ce qu’ont fait et ce qui attend les Warriors. À la fois narratrice externe, peut-être sirène [3] et parfois oracle (quand elle leur passe Nowhere To Run, c'est une prédiction), cette voix suave, dont on ne verra que la bouche pulpeuse, s’exprime à la radio, leur dédicaçant les morceaux diffusés. Elle raconte l’histoire, telle la muse à qui on demande dans le chant I de raconter L’Odyssée. D’où une impression d'épopée, mais aussi de surnaturel dans le film, car on ne saurait dire finalement si le studio de radio existe "réellement" dans la diégèse ou s’il s’agit d’une manifestation métaphysique.
Tout cela ne rend que plus humain le combat des Warriors, qui se battent, comme Ulysse, contre quelque chose qui les dépasse, contre les ombres de la nuit, contre une conspiration plus grande qu’eux, alors qu'ils n’aspirent humblement qu’à rentrer à la maison. Ce sont les héros de la nuit.

kc


[1] Le personnage de Cyrus fait référence à L’Anabase de Xénophon.
[2] Il faut voir les tactiques de Cygne, le chef de guerre des Warriors pour battre des groupes qui les dépassent en nombre, comme les Baseball Furies.
[3 ]Des sirènes, ils en rencontreront des "vraies" avec le gang des Lizzies.